Christoph Chabirand livre Le chat et la souris et Hucaran, son cinquième recueils de polars qui plonge son duo de lieutenants dans une série de crimes spectaculaires dans le décor de l'Ouest réunionnais à la fois familier et inquiétant.
Dans les deux dernières longues nouvelles de Picard et Cazambo, les lieutenants de Christoph Chabirand pistent un tueur en série à la fois insaisissable et particulièrement acharné qui sévit entre La Plaine Saint-Paul et l'Etang-Salé en se riant de ceux qui le poursuivent.
Quel est le lien entre les différentes victimes? Pourquoi ces crimes atroces s'adressent sans détour au lieutenant Cazambo jeté en pature à la plèbe? En une centaine de pages, l'écrivain vendéen s'amuse du désarroi de ses deux protagonistes en ne distillant, au compte-goutte, que de maigres indices.
La structure classique du Chat et la souris (ed.Orphie, collection Policier Outre-Mer) permet de s'arrêter sur les sites réunionnais que connait bien l'auteur. Des parties de pétanque de l'Hermitage aux pêches dans le lagon en passant par les cases créoles de La Plaine Saint-Paul, des pains bouchons du Barachois ou des paillotes de plage menacées...Christoph Chabirand puise dans ses domaines de prédilection- la moto, et le jazz puisqu'il joue du trombone dans plusieurs formations- pour donner du corps à ses décor et à ses personnages en proie aux conséquences d'évènements survenus dans de précédentes histoires des deux acolytes, bien que l'histoire puisse se lire indépendamment.
De l'intérêt des à-côtés
Outre des scènes de crimes particulièrement sanguinolentes, l'enquête piétinant rapidement nous invite à nous intéresser aux à-côtés en attendant le meurtre suivant. Les pages de description musicale témoignent d'une connaissance mélèe de poésie tandis que le rêve érotique impliquant une chanteuse gargantuesque risque de marquer les esprits plus encore que les exécutions.
"Ils m'échappent maintenant"
Les protagonistes de Chabirand ne sont pas des inspecteurs aux capacités sherlockiennes, ni des parangons de vertu. Amateurs de bière, de gras et de femmes, les deux compères présentent des failles qui nous les rendent sympathiques quand bien même certains passages- comme la sexualisation d'un cadavre- passent plus difficilement.
"Pour moi, ces personnages existent vraiment", partage l'auteur. "Même si je les ai fabriqués; ils m'échappent maintenant, ils ont chacun leur voix, leur personnalité".
Face à certaines monstruosités, les deux représentants de la loi sont confrontés à des dilemmes moraux susceptibles de les catapulter dans l'illégalité. Chabirand se plaît à les mettre en danger, dans des situations qui les conduisent parfois à louer à un jeu dangereux, à faire justice eux-mêmes, mais toujours à se référer à leur boussole morale et à leur indéfectible loyauté envers l'autre.
Antoine D'AUDIGIER-EMPEREUR