Presse

À ne pas mettre entre toutes mains... "Origines", de Christoph Chabirand

Zinfo 974, le 3 juin 2021

Couverture Origines

Sa devise est celle de l'OM : droit au but ! Ne pas s'attendre à de longues digressions sur le sexe des anges ; Chabirand appelle un minou, une chatte ; et un fumier, un salaud. Phrases courtes, concises, précises, nous avons affaire à un vrai novelliste qui a banni une fois pour toutes les circonvolutions oiseuses de son raisonnement et de son écriture. Ce qui nous donne ces trois nouvelles autant fulgurantes qu'effrayantes.

Par Jules Bénard - Publié le Jeudi 3 Juin 2021 à 11:52

Il est des choses dont on ne parle pas ! Par convention, parce qu'il ne faut pas déranger, parce que le discours d'aujourd'hui doit être convenu, aseptisé, sans aspérité, dans un formol sans odeur. Cela s'appelle de l'hypocrisie et Christoph Chabirand a, une fois pour toutes, relégué aux oubliettes les discours « élégants » voulant qu'on appelle technicienne de surface, une balayeuse et politicien, un menteur. « Vidar », première de ces nouvelles redoutables, est aussi le nom du dieu germanique de la vengeance. Alors qu'il cherche désespérément ses origines, le jeune héros parvient à faire parler sa grand-mère, ex-Vendéenne installée chez nous. Elle accepte de lui parler et l'horreur monte alors en puissance. Dans une région sous la coupe des Waffen SS, elle eut le malheur d'aimer un officier allemand. Cela était très mal vu alors... comme si l'amour se commandait ! A la Libération, son sort va être rien moins qu'enviable, maltraitée, frappée, tondue, violée par un groupe d'anciens soupirants enragés. Ça s'appelait l'Épuration et a servi de prétexte à une foule d'ignobles comportements. On ne parle jamais de ces derniers ; c'est pas bien ; ça ne se fait pas. Chabirand, lui, il le fait, avec une salutaire virulence. La suite dans votre livre...

« Origine » narre encore une quête identitaire et c'est sans doute la plus dérangeante des trois nouvelles. Dérangeante, soit, mais combien proche de la réalité. Si cela doit déranger, il ne s'agira là encore que d'hypocrites refusant de regarder la réalité en face car cela nous parle d'une Réunion où le soi-disant « vivre-ensemble » exalté sur tous les tons n'est qu'un « vivre-à-côté-de ».

Rejeté dès sa naissance parce qu'enfant dit « illégitime », adopté par un couple de braves Français de l'Hexagone, le jeune Noir n'est victime d'aucun racisme, là-bas en France. Il rencontre l'amour et ça commence en fin de compte comme un roman à l'eau de rose. Je ne déteste pas les romans à l'eau de rose, généralement très bien écrits et genre littéraire à part entière.

Cela se gâte le jour où, en compagnie de sa trop jolie femme zoreille, il revient ici à la recherche de sa famille d'origine. Et c'est ici, chez nous, au pays du vivre-ensemble qu'il va rencontrer l'horreur du vrai racisme. Et quand je dis « horreur », je pèse mes mots. Je vous laisse le plaisir et l'effroi de découvrir la suite.

« Géhenne » est l'histoire, ordinaire, presque banale, atroce, d'un jeune de la banlieue parisienne victime d'un père alcoolisé à outrance, qui ne trouvera le salut que parce qu'il existe un remède universel contre tous les maux, la musique. Cette dernière nouvelle, très courte, vient nous permettre de souffler un peu après les tourments et affres de ce qui précède.

Bravo à l'ami Chabirand qui, lui, ne nous laisse pas souffler une seconde tant ses nouvelles sont denses, touffues, ardentes.

À ne rater sous aucun prétexte !

« Origines » de Christoph Chabirand Éditions Orphie.

Jules Bénard 

Jules Benard

Notes de lecture de Jules Bénard

Blog, le 16 novembre 2020

Couverture Les Gouttes d'eau

Le polar réunionnais se porte bien, "Les gouttes d'eau" sont "Diaboliques"

Christoph (sans "e") Chabirand, Zoréol de Vendée, enseignant, poète, romancier, tromboniste de jazz, est fou amoureux de La Réunion et du polar. Résultat des courses, ça nous vaut une petite suite de mystères qui se laissent déguster sans modération.

Son dernier opus, "Diaboliques", ne fait pas dans la dentelle et, pour une fois, au lieu de nous raconter les faits et méfaits de mâles diaboliques, il nous montre les heurts et malheurs de nos semblables féminines qui, lorsqu'elles s'y collent, sont aussi rouées que nous. Peut-être plus. Peut-être mieux. Le style de Chabirand est très particulier et si ça surprend au premier abord, on se laisse vite emporter. L'auteur use beaucoup du descriptif, lequel peut parfois se traduire en digressions mais ce n'est qu'une apparence. Ses inspecteurs, Cazambo et Picard, deux cousins Dupont(d) plus perspicaces que leurs homologues hergéiens, nous sont proches avec leurs doutes, leurs envies, leur vie de tous les jours. Pensez : Cazambo roule en moto Guzzi. Vous en connaissez beaucoup des comme ça ?

Phrases simples mais vocabulaire choisi, documentation soignée, connaissance parfaite de la vie créole dans ses détails les plus insoupçonnés, Chabirand met le mystère créole à portée de tous. Avec une analyse très fine des rapports sociaux ; l'actualité sociale et politique passée à la moulinette ; les "grands" ratiboisés parce que décidément trop cons...

J'ai particulièrement apprécié qu'il faille attendre les toutes dernières lignes pour connaître le pourquoi du comment. Et l'on en reste parfois sur son red bottom, je ne vous dis que ça. Je ne vais évidemment pas vous raconter ces histoires. J'ajouterai juste que chaque roman comporte deux nouvelles, ce qui ne donne pas le temps de se lasser et n'est pas le moindre intérêt de cet auteur.

P.S. : l'érotisme le plus échevelé est souvent présent dans les écrits de saint Christoph. Ne laissez donc pas traîner ces ouvrages à la portée des moins de 77 ans. Je vous aurai avertis. J.B.

« Diaboliques »
« Les gouttes d'eau »

Christoph Chabirand
Orphie éditions

En librairie, 10 euros

Jules Bénard

Diaboliques

Lire en Véndée, le 9 mars 2020

Deux nouvelles bien "Diaboliques" qui ne manquent pas de piquant! Deux brillants médecins de La Réunion mariés à de sublimes jeunes femmes deviennent amis.

Tous est parfait sauf que, petit grain de sable, les épouses s'éprennent l'une de l'autre et décident de tuer leurs maris!

Un policier coquin mené tambour battant par deux compères complices car lorsque Picard doute, Cazambo affirme.

Le duo fait mouche. Le fin vous surprendra!

E.T.